Le jour où mon cœur s’est envolé

 Ce jour-là, je me souviens qu’un arc-en-ciel a illuminé la rue du R. 

Des gouttelettes d’eau paraient de diamants les toits et les gouttières ternies. 

Toutes les odeurs étaient plus fortes après l’averse, et l’asphalte exhalait ses souvenirs mélancoliques d’urine et de mégot.

J’ai tourné mon visage vers les nuages, avide d’échapper à la ville.

Un arc pâle, un quart à peine, semblait concentrer ses couleurs pastel pour exister au-dessus du rouge agressif d’une grue. Je me suis arrêtée au milieu du trottoir, indifférente aux passants, pour suivre ce combat perdu d’avance. L’arc-en-ciel a résisté une longue minute, puis a commencé à décliner.

Et si je disparaissais avec lui, au lieu de retrouver ma petite vie bien huilée aux barreaux  dorés ?

Devenir mille gouttelettes éparses, être libre mais sans volonté. N’appartenir à personne, ne plus être prisonnière des « Il faut que » qui abîment la journée dès le réveil.

Je crois bien que c’est à ce moment-là que mon cœur s’est envolé.

Poésie

 


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